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Ligne haute tension : « il est possible d’obtenir gain de cause contre RTE »

Dominique Veauprés est un ancien éleveur qui s'est battu en justice contre RTE.

Dominique Vauprès, ancien éleveur laitier à Isigny-le-Buat (Manche) dont le troupeau a été victime des effets d’une ligne à très haute tension, a obtenu gain de cause face à RTE (Réseau de transport d’électricité), trente-quatre ans après le début des faits.

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Quels ont été les problèmes posés dans votre élevage par la proximité de la ligne à très haute tension ?

« Mon habitation et la stabulation historique sont situées à 300 mètres d’une ligne en 400 000 volts, décrit Dominique Vauprès. À partir de 1991, nous avons été confrontés à des mammites à répétition et des niveaux élevés de cellules leucocytaires dans le lait, sans trouver de solution malgré l’appel aux vétérinaires et conseillers. »

« Pendant treize ans, la quantité et la qualité du lait produit ont été dégradées. Nos frais vétérinaires étaient également deux fois plus élevés que chez les voisins. Les pertes totales ont été estimées à 800 000 euros par la chambre d’agriculture de la Manche. Issus du diagnostic du GPSE (1), les travaux d’équipotentialité n’ont rien résolu. Seule la délocalisation de l’élevage en 2014 à 8 kilomètres et à nos frais nous a permis de retrouver une situation normale. »

Quel a été votre parcours judiciaire aboutissant à la condamnation de RTE pour préjudice d’exploitation ?

« En l’absence de résultats après les travaux du GPSE, j’ai engagé en 2012 une procédure en référé auprès du tribunal de commerce de Coutances qui n’a pas retenu les preuves présentées. Mais je ne voulais pas me laisser faire, être sacrifié au nom de l’utilité publique et j’ai rejoint l’Anast (2). »

« Maître François Lafforgue ayant accepté de défendre notre dossier, nous avons engagé un recours en 2020 auprès du juge de l’expropriation. Depuis, nous avons gagné à cinq reprises de la première instance jusqu’à la décision de la Cour de cassation le 13 mars 2025. C’est une très grande victoire après treize ans de procédures de voir RTE définitivement condamné pour les préjudices d’exploitation de notre élevage. »

Comment ces difficultés professionnelles et judiciaires ont-elles affecté votre parcours ?

« Il a fallu faire preuve de détermination. Ce furent pour commencer des remises en question personnelles. Elles ont été un facteur de mésentente avec mon frère qui était mon associé. Puis, lorsque le troupeau a été délocalisé et malgré la satisfaction d’avoir trouvé une solution, nous avons souffert de l’éloignement de l’élevage de notre lieu de vie. Malgré tout, nous avons eu la chance que notre outil de travail ne soit pas mis en péril au point de devoir mettre la clé sous la porte, mais aussi que mon épouse travaille à l’extérieur. »

Que retenez-vous ?

« Avant tout, je ne regrette pas le choix que j’ai fait, lequel prouve qu’il est possible d’obtenir gain de cause et une indemnisation qui ne soit pas symbolique auprès du juge de l’expropriation. Par contre, celui-ci ne prend pas en compte le préjudice moral. Je reste marqué par la durée de ce parcours qui n’a rien de comparable au délai qui serait accordé à une entreprise confrontée à des difficultés économiques. »

« Alors qu’il m’a donné espoir au début, j’ai le sentiment que le GPSE nous a fait perdre du temps. Nous avons eu l’impression d’être menés en bateau, ce qui nous a incités à engager les procédures judiciaires. Surtout, je ne comprends pas pourquoi RTE n’a pas soutenu le déplacement de l’élevage. »

« Comme un symbole, notre ancienne stabulation faisant face à notre maison doit encore être démontée à nos frais. Aujourd’hui, victimes de problèmes électriques ou électromagnétiques, des étables comme la nôtre se vident. En préretraite, je reste engagé auprès de mes collègues éleveurs partout en France confrontés à des problèmes similaires. C’est dans ce but que je médiatise mon affaire. »

(1) Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole.

(2) Association nationale animaux sous tension.

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